Emmanuel FABER, que son patronyme situe du côté de la tecknè (le fameux Homo Faber, pivot de l’agriculture et de l’industrie) et que son prénom place sous le signe du divin (Emmanuel = Dieu avec nous, en hébreu) a voulu harmoniser la vocation entrepreneuriale de DANONE et sa vocation morale. Il a hissé le groupe au rang de première entreprise à mission du CAC 40, le mot désignant au départ celle de l’émissaire chrétien, envoyé (mittere) contrer les marchands du Temple.
Aujourd’hui, on lui reproche cet évangélisme chevaleresque. Cela n’irait pas bien avec le matérialisme, fonction première de toute entreprise : faire du profit. Comment réduire le paradoxe entre ces bénéfices, bien normaux, et une nouvelle valeur morale qui tiendrait moins compte des comptes ?
Toute la société civile se pose la question, et le mot « Mission » circule dans un riche éco-système où l’on trouve : gagner sa vie mais donner du sens à son travail, consommer éthique mais ne pas dépenser trop de fric, être responsable mais pas coupable…
La marque, quelle qu’elle soit, est prise dans cette dynamique paradoxale, si elle veut recruter, si elle veut être consommée, si elle veut participer à ce qu’on appelle la « transition ». L’idéal serait qu’elle sache monétiser cette harmonie des contraires, et qu’en bon alchimiste, elle trouve sa pierre philosophale.
Voilà ce qui est sur la table aujourd’hui : au sens propre, le « Propos » : ce qui est posé devant nous (pro). L’anglais nous a emprunté ce mot au Moyen-Age et a créé sur l’ancien français Purpose. Il le dit encore aujourd’hui, dans la langue du marketing. Le SOP, Sense of purpose d’une marque, c’est sa mission, sa raison d’être, sa belle contribution au monde.
Une noble visée qui vole haut, et devrait passer très au-dessus des actionnaires penchés très bas sur leurs dividendes.
Mariette DARRIGRAND