Ensauvagement

 

 

Le terme « Ensauvagement » a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Marqueur idéologique, il a été interprété à raison comme un signe de durcissement gouvernemental sur les questions de sécurité lorsqu’il a été repris au RN par Gérard DARMANIN.

Toutefois, le vrai danger du terme ne vient pas de sa dureté, mais à l’inverse, de sa poésie… Que voilà un joli mot !

Poétique et médiéval, il est lié à nos plus belles légendes : c’est en ensauvageant son philtre par quelques herbes magiques, qu’Iseut rendit Tristan amoureux… Le jardin bien ordonné du Moyen-Age avec ses fleurs, son potager, son verger, son espace de méditation, comporte son contre-discours : le carré des herbes sauvages… Tout comme la beauté féminine gagne à être soulignée par son inverse  (défaut d’une « mouche » sur le visage de la gente dame), la civilisation gagne à faire contraste avec le non civilisé.

On dit souvent que Sauvage vient de Silva, forêt en latin. Mais précisément,  forêt existe en latin et a donné forêt en français ! A partir de l’adverbe foris qui veut dire dehors. Dans la société latine, la forêt est d’abord un lieu hors de la ville, comme Foire ou Foirail… Et non un lieu de nature.

La silve, ou la selve en français de la Renaissance, ce sera au contraire, un tissu du vivant comme on dit aujourd’hui, un lieu naturel dans lequel s’exerce l’interdépendance des règnes (végétal, animal, minéral et humain) selon les thèses de l’anthropologue Philippe DESCOLA…

Dans la langue médiatique actuelle, c’est auréolé de ces nouvelles vertus écologiques qu’ »Ensauvagement » est revenu, faisant monter le niveau de langue. Littéraire, chargé de culture, il apparaît comme le fruit du savoir, alors qu’en fait il est le fruit de l’analogie,  la conséquence de rapprochements esthétiques (y compris sonores, le grand ensauvagement comme le grand remplacement ?…)

En ce sens, si la violence gagne dans certaines zones de la société,  il faut le dénoncer explicitement, loin de toute poésie qu’elle soit épique (la guerre civilisationnelle voulue par certains) ou néo-rousseauiste (la paix des forêts prônée par d’autres).

En nous méfiant toujours du mythe du Beau sauvage…

Mariette Darrigrand

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