DOXA

 

Le mot est tombé comme un pavé. Un pavé violent lancé contre les journalistes qui seraient – contrairement à celui qui parle – dénués de toute liberté critique. A l’image de ceux que l’on peut voir actuellement dans le film Illusions perdues et surtout de la vision lancée en son temps par Jean-Marie Le Pen (Les médias nous manipulent). Vision qui n’a fait que se développer depuis.

Ce mot, c’est Doxa. Un mot savant. Un mot venu de Platon qui l’opposait au Logos des philosophes. Un mot dépréciatif car représentant l’opinion majoritaire fixée, le chant des moutons bêlants et obéissants. Pour le monsieur anti-vax qui y a fait référence devant la caméra de LCI l’autre jour, cet énoncé à surtout ne pas croire pourrait se résumer :  les vaccins anti-covid sauvent des vies. Pour lui, il faudrait croire le contraire.

La doxa est l’objet même de la sémiologie. Mais elle n’y est  jamais à retourner à 360 degrés et à rejeter en bloc. Elle est précieuse a sa façon. Elle constitue l’équivalent sémiologique du fragment d’objet ancestral que l’archéologue place sous son microscope. Une trace du contemporain. On ne peut parler de doxa qu’animé d’un certain amour pour elle. Amour vache, mais mais amour tout de même : passion pour ce que l’être humain est capable de construire avec le langage, comment il noue le réel et l’imaginaire pour produire du symbolique.

Aux yeux des journalistes, ce mot, employé par un anti-vax a constitué un indice social : ils ont donc de l’ éducation ces gens, ils ne sont pas obscurantistes… Mais croire cela est se tromper deux fois. D’abord, il est courant que la bêtise politique ait le masque de  la culture. Les références abondent dans le discours populistes actuel. L’histoire est prisée, la citation littéraire fait partie des éléments de langage. Deuxièmement, le mot Doxa, avec son synonyme « bien-pensance », est depuis quelques années très employé. Aussi bien par Eric Zemmour que par Jean-Luc Mélenchon, par le RN que par une certaine gauche radicale.

Non, la véritable chose intéressante concernant l’intrusion du mot Doxa dans le discours de la campagne présidentielle est sa concomitance avec l’Emmerder du président de la République. Un verbe incongru mais probablement voulu car prenant place dans une saynète au  bistro. Comme si le langage présidentiel, qui peut monter très haut sur l’échelle culturelle parfois, là se relâchait après une journée de boulot. Sans pass sanitaire, nous ne pourrez plus boire un canon, ni aller au ciné... Emmanuel Macron, voulait-il se mettre au niveau du cramer la caisse que lui reproche Valérie Pécresse ?

L’impression en tout cas est que ces deux premiers de la classe, au moment de s’affronter, s’obligent à abaisser le niveau général. Alors que les cancres, peut-être plus malins et semblant avoir lu quelques livres, semblent faire le chemin inverse…

 

Mariette Darrigrand

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