Un mot poétique, un mot épique, un mot tout droit sorti des mythes de création du monde est arrivé récemment dans le discours médiatique. Ce mot est le Chaos, phénomène mythologique qui désigne l’état originel de la matière avant qu’elle ne soit organisée par une volonté : les Titans, le Dieu créateur, le Big Bang…
Le premier à en parler fut Hésiode au VIIIème siècle avant Jésus-Christ, à partir d’un verbe grec Kaino : béer, être ouvert. L’origine du monde est un abîme d’où surgit la vie.
Bien plus tard, au tournant de l’ère chrétienne, le poète latin Ovide reprend le terme en ouvrant ses Métamorphoses en sur cette nature première, cette masse informe, composée d’éléments à la fois disjoints et agglomérés.
Dans le discours actuel, « chaos » est un synonyme hyperbolique de « désordre » : une profonde confusion.
Quand il qualifie aussi bien la transition chaotique entre Trump et Biden que la situation sanitaire en France ou les problèmes d’une entreprise qui a du mal à organiser son télétravail, c’est d’abord cette exagération qu’il exprime : un simple intensification du langage dans une période de crise.
Mais plus en profondeur, le Chaos doit être considéré comme un signe potentiel plus inquiétant. En effet, évoquant la régénération du monde et donc un nouveau départ à partir de la réorganisation du désordre, il est une manière de fantasmer l’Ordre nouveau : la façon magico-autoritaire de régler tous les problèmes.
Mariette Darrigrand